Avec une surcharge de travail croissante et des exigences institutionnelles toujours plus pressantes, est-il encore possible pour les professeur·es de parvenir à une véritable conciliation travail et vie personnelle ?
Quels écueils empêchent le plein épanouissement des professeur·es ? Et quelles sont les pistes d’action concrètes pour améliorer leurs conditions de travail ? Il y a dix ans, la Fédération des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a souhaité répondre à ces questions. 145 répondant·es provenant de dix établissements universitaires québécois ont alors témoigné dans le cadre d’une recherche-création, intitulée Le défi des conciliations : s’épanouir… s’épuiser.
Étonnamment, malgré la décennie qui nous sépare de cette recherche, les constats restent les mêmes. Dans certains cas, ils ont même empiré, dans un contexte où les universités québécoises sont sous-financées. Les observations et les recommandations présentées ici demeurent donc d’une pertinence indéniable.
Le travail professoral, souvent considéré comme l’un des plus épanouissants, subit depuis de nombreuses années de profondes transformations qui touchent à la fois la qualité de vie des professeur·es et à la mission universitaire elle-même. La surcharge de travail, fragmentée entre enseignement, recherche, et services à la collectivité, exerce une pression importante sur la profession et soulève des questions cruciales pour l’avenir des universités québécoises.
Table des matières
Autonomie et liberté : les attraits du métier
Pourquoi choisit-on de devenir professeur·e ? L’un des principaux attraits de la profession reste la liberté d’action et l’autonomie dont bénéficient les professeur·es dans leur travail. La possibilité de choisir ses sujets de recherche, ses méthodes pédagogiques, et les projets auxquels s’associer est fortement valorisée. Cette autonomie nourrit un sentiment de contrôle sur son travail et constitue l’un des éléments les plus gratifiants du métier. En effet, nombre de professeures et de professeurs parlent de leur travail comme une voie d’émancipation intellectuelle, où la curiosité et la quête de connaissance sont au centre de leur quotidien.
Une surcharge de travail grandissante
Cependant, ces privilèges s’accompagnent d’une surcharge grandissante, qui rend difficile la conciliation travail et vie personnelle. Ainsi, les tâches effectuées par les professeur·es d’université sont de plus en plus fragmentées, et il est de plus en plus difficile de concilier les différents volets du travail professoral. Enseignement, recherche et tâches administratives s’accumulent, forçant les professeur·es à travailler souvent bien au-delà de la semaine régulière, dans une culture où l’hypertravail devient la norme. La surcharge de travail qui en résulte rend difficile la concentration nécessaire aux tâches complexes et de longue haleine qui sont le propre de la carrière professorale.
La pression institutionnelle et normative
La surcharge de travail est parfois imposée directement par les attentes institutionnelles, mais elle est aussi souvent de nature normative. On entend par pressions normatives des normes implicites, non dites ou pressions indirectes qui créent une crainte de ne pas répondre aux attentes. Ce phénomène s’observe lorsque les professeur·es se comparent aux performances de leurs collègues. Par exemple, lorsqu’elles et ils cherchent à se conformer à des critères de productivité implicites, tels que la publication d’articles ou l’obtention de subventions.
Ces attentes engendrent une pression invisible, mais bien réelle, où chacun·e cherche à briller toujours plus, au risque de l’épuisement. Une autre forme de surcharge, dite consentie, est liée à la passion que les professeur·es nourrissent pour leur travail. Dans leur quête d’excellence, plusieurs membres du corps professoral se retrouvent à s’investir davantage, dépassant même les attentes institutionnelles.
Les conséquences sur la santé et la vie personnelle
Les effets de cette surcharge ne se limitent pas à la sphère professionnelle : elle a également des conséquences sur la santé physique et mentale des professeur·es. Plusieurs rapportent des troubles liés au stress, tels que l’insomnie, les tensions musculaires, ou encore des problèmes digestifs. Qui plus est, les relations familiales, les loisirs, et même la santé sont souvent sacrifiés, provoquant un sentiment de culpabilité et de perte de contrôle.
Des stratégies de protection individuelles
Face à ces défis, plusieurs stratégies sont mises en place par les professeur·es pour protéger leur bien-être et leur santé. Certain·es choisissent de refuser de nouvelles responsabilités ou de travailler davantage depuis leur domicile afin d’éviter les interruptions fréquentes sur le campus. D’autres préfèrent se concentrer uniquement sur leurs propres travaux, limitant leur engagement envers les tâches administratives. Cependant, il faut noter que ces stratégies peuvent isoler encore plus les professeur·es en diminuant leur présence dans les espaces de collaboration et d’échanges intellectuels.
Conciliation travail et vie personnelle : un appel à l’action
Face à ces circonstances, un appel à l’action est urgent. La FQPPU invite donc les professeures et professeurs à se mobiliser pour protéger tant leur bien-être que la qualité de leur travail. Le défi des conciliations n’est pas une fatalité, et des solutions collectives peuvent émerger pour rétablir un équilibre plus sain entre travail et vie personnelle. Il est d’ailleurs fondamental de se pencher sur ces problématiques pour garantir l’avenir d’une université accessible, humaine et de qualité.
Plusieurs pistes pour améliorer les conditions de travail des professeur·es existent :
- Revoir les critères de promotion pour valoriser l’ensemble des missions du corps professoral (enseignement, recherche et service à la collectivité).
- Alléger la bureaucratie en simplifiant les procédures administratives et en réduisant le nombre de formulaires à remplir.
- Augmenter les ressources en embauchant davantage de personnel de soutien et en réduisant le nombre d’étudiant·es par professeur·e.
- Promouvoir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle en encourageant les professeur·es à prendre des congés, à se fixer des limites et à se consacrer à des activités extra-professionnelles.
- Sensibiliser les responsables d’unités aux dangers de la surcharge de travail et les inciter à respecter les limites des professeur·es, notamment celles et ceux en début de carrière.
- Créer des espaces de dialogue pour permettre aux professeur·es d’exprimer leurs difficultés et de proposer des solutions collectives.
En conclusion
Le travail professoral, bien qu’enrichissant et gratifiant à de nombreux égards, se trouve aujourd’hui à un tournant. La surcharge de travail menace non seulement la santé des professeur·es, mais aussi la qualité de l’enseignement et de la recherche au sein des universités québécoises. À ce titre, la FQPPU propose des pistes de réflexion pour rétablir un équilibre entre les exigences professionnelles et la vie personnelle des professeur·es — en d’autres mots, pour instituer une véritable conciliation travail et vie personnelle. Face à ce défi, il est crucial d’ouvrir le dialogue et de s’engager collectivement pour préserver ce qui fait la richesse de la profession.
En savoir plus
- Le fascicule intégral, intitulé Le défi des conciliations : s’épanouir… s’épuiser, est disponible en ligne.
- The report is also available in English: The Juggling Act: Working Conditions for Professors in Quebec Universities.
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