Une analyse des données provenant des états financiers des Fonds de recherche du Québec (FRQ) par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) dévoile une situation inquiétante, présentée de manière trompeuse par les promoteurs du projet de loi n° 44 (PL44) : s’il est vrai que le budget total des FRQ s’est accru depuis sa prise en charge par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), ce sont les subventions avec modalités, qui soutiennent la recherche ciblée, qui ont augmenté, alors que la part relative du financement sans modalités, permettant la recherche libre, a diminué de façon importante.
Contre les propos du ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete, et ceux du scientifique en chef, Rémi Quirion, qui ont suggéré que la recherche libre ne s’était jamais mieux portée que sous l’Économie, l’étude des chiffres montre plutôt que le financement sans modalités des FRQ a stagné, voire diminué en dollars constants, et ce, depuis que les Fonds se trouvent sous la gouverne du MEIE.
Ainsi, si en chiffres absolus les sommes dont disposent les FRQ ont bel et bien augmenté depuis 2015, la proportion de ces fonds qui sont sans modalités et qui permettent la recherche libre ou non ciblée (dans le graphique : « subventions publiques sans modalités ») a quant à elle radicalement diminué. Sur l’année 2015-2016, ces fonds constituaient 83 % de l’enveloppe des FRQ, alors qu’en 2022-2023, ils n’en représentaient plus que 54 %, laissant une part toujours grandissante au financement dont l’administration est conditionnée par les besoins et les intérêts du gouvernement (dans le graphique : « subventions publiques avec modalités »). Sur cette période, en dollars constants, les subventions sans modalités des Fonds ont diminué de 17 % (passant de 137.6 à 114.7 M$), alors que les subventions avec modalités ont explosé, en augmentant de près de 400 % (passant de 24.3 à 95.8 M$).
« Lors d’une rencontre publique des FRQ, le scientifique en chef a affirmé qu’il connaissait plusieurs personnes s’opposant au PL44 qui n’en comprenaient pas les tenants et aboutissants », rappelle Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU. « Alors qu’il déclare sur toutes les tribunes que la recherche se trouve mieux servie sous le MEIE que sous le ministère de l’Enseignement supérieur, nous avons envie de lui retourner la question : prenez-vous la mesure des répercussions que ces changements législatifs majeurs vont continuer d’avoir sur la recherche libre – sur la recherche qui n’est pas spécifiquement destinée à produire des retombées économiques ou à mener à des innovations directes ? » Encore une fois, à la lumière de la contestation massive du milieu de la recherche et du recul important de la part de financement sans modalités dont bénéficient les FRQ sous le MEIE, la FQPPU demande au gouvernement d’abandonner le PL44.
Mentionnons que la rencontre de promotion du PL44, qui s’est tenue le vendredi 5 avril dernier et que les FRQ se sont engagés à diffuser publiquement, s’est conclue sur une période de questions lors de laquelle les personnes présentes se sont montrées très critiques envers le projet de loi et « l’opération séduction » du scientifique en chef. Les inquiétudes soulevées par les chercheur·euses n’y ont malheureusement pas trouvé de réponses satisfaisantes. Au moment de la diffusion de ce communiqué, la vidéo de cet échange avec la communauté de la recherche n’était toujours pas disponible.
En savoir plus
- Le 3 avril 2024, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) recensait l’opposition massive du milieu de la recherche au projet de loi n° 44 (PL44).
- La FQPPU a rendu public, le 19 mars 2024, son mémoire Protéger la recherche au Québec – toute la recherche, réitérant au passage son opposition au PL44.
- Dans une lettre d’opinion parue au Devoir le 16 mars 2024, Madeleine Pastinelli met en lumière les risques du PL44 sur la vitalité et la diversité de la recherche au Québec.
- Le 16 février 2024, la Fédération déplorait l’absence de consultation derrière le projet de loi et expliquait qu’il y avait de meilleures solutions pour le développement de la recherche intersectorielle, multidisciplinaire et collaborative.
- En juin 2023, à l’invitation du ministère de l’Enseignement supérieur, la Fédération présentait un mémoire qui détaillait ses propositions pour financer les missions fondamentales des universités.
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