Éthique de la recherche et liberté académique : un avis du COPLA appelle à une vigilance accrue

Nul ne peut être contre la vertu en recherche… mais encore faut-il qu’on sache ce qu’elle désigne, et qu’on s’intéresse aux pressions qu’exerce cette vertu sur les chercheur·euses lorsqu’elle les empêche de travailler sur la base d’une interprétation discutable de principes généraux ou en référence à des critères qui ne sont pas énoncés clairement.

Dans un avis produit pour la Fédération des professeures et professeurs d’université (FQPPU), le Comité permanent sur la liberté académique (COPLA) tire la sonnette d’alarme à cet égard. S’il est vrai la liberté académique peut valablement être limitée par les exigences de l’éthique de la recherche, il reste fondamental que l’application des réglementations qui y sont relatives n’imposent pas aux chercheur·euses des limites qui iraient au-delà de ce qui est raisonnable et qui restreindraient indument la liberté académique.

D’ailleurs, il est à noter que les problèmes abordés dans cet avis ne sont pas abstraits, et qu’ils ont déjà affecté – et continuent d’affecter – la recherche qui se crée tous les jours dans nos universités. En effet, le travail du COPLA fait suite à des constats de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), de même qu’à un rapport produit par le Syndicat des professeures et professeurs de l’Université Laval (SPUL).

Ce dernier documentait déjà, en 2022, de nombreux glissements par lesquels les comités d’éthique de la recherche pouvaient imposer « des exigences abusives, qui ne sont justifiées par aucune des lois, politiques et règles applicables en matière d’éthique de la recherche ». Et les craintes de représailles étaient si grandes que la quasi-totalité des professeur·es ayant répondu à l’enquête du SPUL avaient explicitement demandé que leur témoignage soit traité de façon anonyme. C’est dire l’ampleur des effets inhibiteurs que peuvent engendrer des processus d’évaluation éthique dépourvus de garanties effectives à l’encontre des décisions arbitraires.

Contre ces risques importants, le COPLA développe plusieurs pistes de solution à l’attention des chercheur·euses, des comités d’éthique, des syndicats et des institutions universitaires :

  1. Garantir que les processus d’évaluation des conduites des personnes exerçant une fonction universitaire n’induisent pas indirectement des obligations de se conformer à une doctrine, une idéologie ou une posture morale spécifique ;
  2. Énoncer de manière accessible et claire les normes éthiques pour permettre aux chercheur·euses de formuler en conséquence leurs projets de recherche et d’en arrêter les méthodologies ;
  3. Faire reposer les normes éthiques sur des justifications rationnelles, liées à la raison d’être de cette réglementation, et faire en sorte qu’il incombe à celles et ceux qui les invoquent ou les appliquent d’être en mesure de les justifier ;
  4. S’assurer que les normes d’éthique soient raisonnables et proportionnées, c’est-à-dire qu’elles n’imposent que des limites raisonnables à la liberté académique.
Il ne suffit pas d’étiqueter n’importe quel critère avec le terme “éthique” pour justifier la mise à mal de projet légitimes : afin de préserver une recherche libre et d’éviter toute forme d’autocensure, il faut absolument que les normes et les façons de les appliquer soient soigneusement délimitées.
Madeleine Pastinelli
Présidente de la FQPPU

« Cet avis du COPLA réitère la rigueur dont doivent faire preuve les personnes siégeant sur des comités d’éthique, de même que les précautions nécessaires pour ne pas brimer la liberté académique des chercheur·euses universitaires », affirme Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU. « Il ne suffit pas d’étiqueter n’importe quel critère avec le terme “éthique” pour justifier la mise à mal de projet légitimes : afin de préserver une recherche libre et d’éviter toute forme d’autocensure, il faut absolument que les normes et les façons de les appliquer soient soigneusement délimitées. »

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