Le financement de la recherche universitaire libre au Québec est-il en péril ? Depuis la fusion des Fonds de recherche du Québec (FRQ) et leur transfert sous l’égide du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), le milieu universitaire dénonce une dérive dangereuse : plus de pressions politiques et économiques, moins d’autonomie dans nos universités. Face au manque d’analyses indépendantes sur les effets potentiels de cette réforme advenue l’année dernière, la FQPPU publie de nouveaux chiffres révélateurs sur l’évolution du financement de la recherche.
Dans Le financement de la recherche universitaire par le gouvernement du Québec, une nouvelle note d’analyse basée sur les données des rapports annuels des FRQ, la FQPPU dresse un portrait de l’évolution du financement québécois de la recherche. L’étude révèle notamment une stagnation des subventions sans modalités et une augmentation marquée des financements ciblés. Face à l’absence d’études dressant un portrait quantifié et global de la manière dont le gouvernement subventionne les chercheur·euses, cette note se veut une nouvelle référence pour comprendre son évolution et mesurer les effets à moyen et long terme des transformations qu’il a subies dans les dernières années.
Table des matières
Un contexte marqué par l’érosion du financement de la recherche non ciblée
Depuis quelques années, le financement de la recherche universitaire au Québec est au cœur de transformations significatives qui suscitent de vives inquiétudes dans la communauté académique. En 2024, la fusion administrative des trois FRQ — Santé (FRQS), Société et culture (FRQSC), Nature et technologies (FRQNT) — et leur transfert sous l’autorité du MEIE ont marqué un tournant décisif. Cette réforme, consacrée par l’adoption du projet de loi 44, a soulevé de nombreuses critiques : professeures et professeurs d’université dénoncent une subordination croissante des orientations scientifiques aux impératifs économiques du gouvernement.
Derrière l’objectif affiché de simplifier les structures et de favoriser l’innovation, une dérive préoccupante se dessine. Comme l’a révélé la FQPPU à travers ses interventions publiques et un mémoire consacrée à ces transformations, la part des subventions sans modalités est en déclin constant. À l’inverse, les financements conditionnels, qui tend à soutenir des projets qui poursuivent les priorités gouvernementales ou les intérêts des partenaires, ont explosé. Cette évolution nourrit la crainte d’un recul de l’autonomie scientifique (au sens de la possibilité de déterminer librement ses objets de recherche) et d’un affaiblissement des disciplines dont les retombées économiques sont moins immédiates, notamment en sciences humaines, sociales et en arts.
Face au manque d’évaluations indépendantes sur les conséquences réelles de cette réforme sur le financement de la recherche et les conditions d’exercice des chercheur·euses, la FQPPU publie donc aujourd’hui une note d’analyse qui complète le travail effectué lors de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 44. Ce document vise à offrir un repère objectif et rigoureux pour suivre l’évolution, dans la longue durée, du financement non-ciblé de la recherche, de même que de la capacité du financement offert par les FRQ de tenir compte des besoins spécifiques de chaque secteur.

Des chiffres à l’appui
L’analyse approfondie des données financières des Fonds de recherche du Québec (FRQ), menée par la FQPPU, révèle une transformation des mécanismes des organismes subventionnaires. Entre 2016 et 2023, la part des subventions sans modalités — celles qui permettent de financer la recherche, quels que soient les objets étudiés par les chercheur·euses — est demeurée largement stagnante, voire lorsque l’on tient compte de l’inflation. En revanche, les subventions avec modalités ont connu une croissance fulgurante : elles représentent désormais 45,9 % des revenus du FRQS, 47,2 % de ceux du FRQNT et 44,6 % pour le FRQSC.
Ce glissement s’accompagne d’une inégalité croissante entre les secteurs disciplinaires. Tandis que les projets en sciences naturelles et en santé trouvent plus facilement des financements ciblés, les sciences humaines, sociales, les arts et lettres peinent à obtenir un soutien à la hauteur de leurs besoins. L’interpénétration croissante entre les FRQ, les ministères et des organismes partenaires exacerbe cette tendance.
Même si elles ne représentent que la première étape de travail de longue haleine, l’on remarque d’emblée que ces données semblent confirmer que le financement de la recherche universitaire au Québec glisse vers un modèle utilitariste, où la logique économique prime sur la mission universitaire. Pour la communauté scientifique et la société, ce virage entraîne des conséquences : il limite les recherches fondamentales et exploratoires, bride la recherche libre et menace la diversité des savoirs.

Certaines des conséquences pressenties de ces transformations
Derrière les courbes et les pourcentages sur le financement de la recherche universitaire au Québec, c’est une conception de l’université et de sa mission qui sont en jeu.
Moins d’autonomie des organismes subventionnaires, plus de risques la recherche fondamentale
La stagnation des subventions sans modalités réduit l’espace alloué à la recherche fondamentale, à la recherche exploratoire et aux approches critiques. Ces recherches, pourtant porteuses d’avancées majeures, risquent d’être étouffées au profit de projets à retombées économiques rapides.
Pression accrue sur les chercheur·euses précaires
Les chercheur·euses précaires, notamment celles et ceux en début de carrière, sont particulièrement vulnérables aux pressions qui découlent de ce nouveau paysage du financement de la recherche. Dans un contexte où les organismes subventionnaires dépendent de plus en plus de financement partenarial, ces chercheur·euses pourraient se sentir contraint·es d’orienter leurs travaux vers des thématiques jugées plus « rentables » ou « prioritaires ».
Une autonomie des universités fragilisée
Cette tendance nourrit une inquiétude plus large : celle d’une université progressivement soumise aux intérêts politiques et économiques, au détriment de sa mission première de production et de transmission des savoirs au service du bien commun. Est-il réellement souhaitable de concevoir l’université comme simple levier au service de la croissance économique ? Est-ce véritablement le projet de société que nous voulons donner à nos universités au Québec ?

L’importance d’une mobilisation collective
Face à ces transformations préoccupantes du financement de la recherche universitaire au Québec, il est crucial que l’ensemble la communauté universitaire continue de se mobiliser pour préserver l’indépendance et l’autonomie des organismes publics, qui ont pour mission de soutenir une recherche libre, diversifiée et au service du bien commun.
Trois petits gestes concrets pour la suite :
Lire la note complète de la FQPPU sur le financement de la recherche
Prenez connaissance des chiffres et analyses détaillés sur l’évolution du financement des FRQ. Une compréhension partagée est la première étape vers une action collective éclairée.
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