McGill veut travailler avec ses profs ? Qu’elle renonce d’abord à s’y attaquer

** An English version of this article is available below. **
Depuis le 26 août dernier, les professeur·es de droit de McGill sont en grève. Ce qu’on trouve au cœur de leurs revendications ? La simple existence de leur syndicat. Envers et contre ce qui se fait dans toutes les autres universités québécoises, McGill milite contre le droit de son corps professoral à la négociation collective.

Comme président·es de syndicats de professeur·es, nous rappelons que les syndicats sont des alliés hors pair dans la poursuite de la mission fondamentale des universités, qui réside dans la production et la diffusion du savoir au service du bien commun. Les crises les plus graves n’arrivent pas dans les contextes où plusieurs parties ont voix au chapitre. Au contraire, elles adviennent lorsque le pouvoir est concentré et qu’aucun garde-fou fort n’existe pour prévenir les abus ou empêcher que l’institution ne soit détournée de sa mission d’intérêt public pour être mise au service d’intérêts particuliers.

[Les crises les plus graves] adviennent lorsque le pouvoir est concentré et qu’aucun garde-fou fort n’existe pour prévenir les abus.

Dans le cadre de notre travail syndical, nous avons toutes et tous été témoins des pressions externes qui s’exercent sur les professeur·es et l’université. Contrats de performance, recherche orientée, chaires d’excellence, partenariat avec le privé, stratégies pour l’innovation : si ces idées ne sont pas mauvaises en soi, elles méritent tout de même d’être sérieusement réfléchies avant d’être imposées comme dogmes dans nos institutions. Qui exerce cette vigilance ? Ce ne sont généralement pas nos administrations, souvent promptes à les promouvoir. Ce sont plutôt les professeur·es, pour qui ces transformations compromettent l’équilibre entre la recherche et l’enseignement, de même qu’entre la recherche appliquée et la recherche fondamentale.

McGill doit reconnaitre l’AMPD

L’Association mcgillienne des professeur.e.s de droit (AMPD) a été créée en 2022. Elle constitue la première tentative réussie de syndicalisation des professeur·es de McGill, qui exerce pourtant ses activités depuis 1821. Or, dès la mise sur pied du syndicat, la direction de McGill a engagé une longue et coûteuse bataille juridique pour tenter d’empêcher son accréditation. Si le Tribunal administratif du travail (TAT) n’a pas retenu ses arguments, cette décision n’a pas affecté le désir de la haute direction d’écraser cette nouvelle instance de représentation. En effet, l’administration tente à présent de contester l’accréditation du syndicat devant la Cour supérieure et elle multiplie les interventions qui portent atteinte aux droits des collègues de l’AMPD. Ce que le TAT vient d’ailleurs de confirmer dans une décision récente, qui ordonne à l’Université McGill de respecter le Code du travail et de cesser d’entraver les affaires syndicales.

Même dans ces circonstances, ce n’est pas de gaieté de cœur que les membres de l’AMPD ont décidé de reprendre la grève. Avant de s’y engager, le syndicat s’est montré prêt à faire d’importantes concessions. La réponse de l’administration de McGill à sa dernière proposition est révélatrice. Alors que le syndicat souhaite négocier une convention, convaincu que c’est la meilleure manière d’arriver à une entente, la direction de McGill a plutôt demandé un arbitrage. Cela évite à l’administration d’avoir à négocier avec ses professeur·es, mais pas seulement. En effet, cette demande allonge le processus, donnant à McGill plus de marge afin de mener à terme les procédures pour faire révoquer l’accréditation syndicale de l’AMPD. Face à cette situation, le syndicat a proposé à deux reprises à McGill de renoncer à la grève et s’est dit prêt à s’en remettre à l’arbitrage, mais à condition que McGill reconnaisse son existence légitime et abandonne les procédures pour faire révoquer son accréditation. La haute direction a refusé.

Malgré tout le prestige de McGill, les actions de son administration la positionnent comme cancre en matière de relations de travail.

Malgré tout le prestige de McGill, les actions de son administration la positionnent comme cancre en matière de relations de travail. Ce mépris de ses professeur·es et de leur droit à la négociation collective n’est pas digne de l’idéal de collégialité qui fait battre le cœur de nos universités. La collaboration et la collégialité ne servent pas qu’à briller dans des rapports annuels. Ces principes doivent s’exercer, au quotidien, dans le fonctionnement de toutes les instances de gestion universitaire. Cela passe notamment par la reconnaissance du droit fondamental à la négociation collective.

Tous les syndicats et associations membres de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université invitent, à leur tour, la direction de McGill à entendre raison. McGill se doit — au minimum ! — d’être à la hauteur des autres universités québécoises en matière de relations de travail. L’AMPD souhaite contribuer pleinement à la mission universitaire. L’administration doit renoncer à travailler contre ses profs et commencer à travailler avec eux.

  • Madeleine Pastinelli, présidente de la FQPPU
  • Ciprian Alecsandru, président de l’APUC (Université Concordia)
  • Tikou Belem, président du SPUQAT (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue)
  • Jayson Crook, président de l’APBU (Bishop’s University)
  • Gregory De Crescenzo, président de l’APEP (Polytechnique Montréal)
  • Sonia El Euch, présidente du SPPUQTR (Université du Québec à Trois-Rivières)
  • Bernard Gagnon, président du SPPUQAR (Université du Québec à Rimouski)
  • Anne-Renée Gravel, présidente du SPPTU (Université TÉLUQ)
  • Gilles Imbeau, président du SPPUQAC (Université du Québec à Chicoutimi)
  • Fasal Kanouté, présidente du SGPPUM (Université de Montréal)
  • Alejandro Lorite, président par intérim du SPUQ (UQAM)
  • Helen Luu, présidente de l’APCMC (Collège militaire royal de Saint-Jean)
  • Julie Myre-Bisaillon, présidente du SPPUS (Université de Sherbrooke)
  • Martin X. Noël, vice-président aux affaires universitaires du SPUQO (Université du Québec en Outaouais)
  • Marie-Hélène Parizeau, présidente du SPUL (Université Laval)
  • Marie-Soleil Tremblay, présidente de l’APPENAP (École nationale de l’administration publique)
  • Cathy Vaillancourt, présidente du SPINRS (Institut national de recherche scientifique)
  • Elijah Van Houten, président de l’AIPSA (Université de Sherbrooke – Génie)

McGill Wants to Work with Its Professors? It Should First Stop Attacking Them

McGill Law professors have been on strike since August 26th. Their core demand is simple: recognize their union’s right to exist. In contrast to every other university in Quebec, McGill is seeking to deny its faculty’s right to collective bargaining.

As faculty association presidents, we remind McGill that unions are precious allies in the pursuit of universities’ fundamental mission: to create and disseminate knowledge in the public interest. When the voices of stakeholders are heard, severe institutional crises can be averted. Conversely, such crises are more likely in the absence of guardrails to curb abuses arising from the concentration of power and to prevent private interests from steering the university away from the common good.

[Severe institutional crises] are more likely in the absence of guardrails to curb abuses arising from the concentration of power.

In our work as union representatives, we have all witnessed external pressures brought to bear on professors. Performance contracts, excellence chairs, private partnerships, innovation strategies—none of these ideas are bad in and of themselves. Still, they must be scrutinized rather than imposed as dogma in our institutions. Who plays the role of watchdog? Generally, not university administrations, who often leap at opportunities to promote them. Instead, it is professors—through their faculty associations—who guard against institutional transformations that risk compromising the balance between research and teaching, as well as between fundamental and applied research.

McGill Must Recognize AMPL 

The Association of McGill Professors of Law (AMPL) was founded in 2022 after the first successful faculty unionization drive at McGill since its founding in 1821. From the outset, McGill has sought to prevent its certification by engaging in protracted and costly litigation. Though the Tribunal administratif du travail (the “TAT,” Quebec’s labour court) ruled against all of McGill’s arguments, the administration is undeterred in its campaign to thwart its professors’ aspirations to speak with one voice. It is contesting AMPL’s certification before the Superior Court and has repeatedly violated our colleagues’ labour rights. Indeed, the TAT recently ruled that McGill appears to be engaging in unfair labour practices and ordered the university to respect the Labour Code and cease interfering in union affairs.

Even under these circumstances, AMPL members did not take their decision to go back out on strike lightly. Before taking this step, the union was willing to make significant concessions. McGill’s response to the latest proposals is telling. Though the union seeks a collective agreement—believing that dialogue is the best way forward—McGill has sought arbitration. This would allow McGill to avoid negotiating with its professors and add further delay, buying the administration time to pursue its strategy of litigating AMPL out of existence. In response, the union twice offered to call off the strike and proceed with arbitration on the condition that the university abandon its legal proceedings and recognize its professors’ right to bargain collectively. The administration refused.

Despite McGill’s prestige, its administration’s actions have put it in the last rank in labour relations matters.

Despite McGill’s prestige, its administration’s actions have put it in the last rank in labour relations matters. Such contempt for its professors and their right to collective bargaining is unbefitting and incompatible with the ideal of collegiality on which the university is predicated. Collaboration and collegiality are not just buzzwords for annual reports. These principles must be continually practiced at every level of university governance and entail recognizing and respecting professors’ fundamental right to associate.

All unions and associations that are members of the Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université are, in turn, calling on the McGill administration to see reason. McGill must—at the very least!—live up to the standards of other Quebec universities regarding labour relations. AMPL wishes to contribute to the university’s mission fully. The administration must stop working against its professors and start working with them.

  • Madeleine Pastinelli, president of the FQPPU
  • Ciprian Alecsandru, President, CUFA (Concordia University)
  • Tikou Belem, President, SPUQAT (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue)
  • Jayson Crook, President, APBU (Bishop’s University)
  • Gregory De Crescenzo, President, APEP (Polytechnique Montréal)
  • Sonia El Euch, President, SPPUQTR (Université du Québec à Trois-Rivières)
  • Bernard Gagnon, President, SPPUQAR (Université du Québec à Rimouski)
  • Anne-Renée Gravel, President, SPPTU (Université TÉLUQ)
  • Gilles Imbeau, President, SPPUQAC (Université du Québec à Chicoutimi)
  • Fasal Kanouté, President, SGPPUM (Université de Montréal)
  • Alejandro Lorite, Interim President, SPUQ (UQAM)
  • Helen Luu, President, CMCFA (Royal Military College Saint-Jean)
  • Julie Myre-Bisaillon, President, SPPUS (Université de Sherbrooke)
  • Martin X. Noël, Vice-President of University Affairs (Université du Québec en Outaouais)
  • Marie-Hélène Parizeau, President, SPUL (Université Laval)
  • Marie-Soleil Tremblay, President, APPENAP (École nationale de l’administration publique)
  • Cathy Vaillancourt, President, SPINRS (Institut national de recherche scientifique)
  • Elijah Van Houten, President, AIPSA (Université de Sherbrooke – Engineering)
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